Pourquoi est-il bon de ne rien faire : et si les neurosciences nous aidaient à comprendre pourquoi l’hypnose et la méditation sont thérapeutiques
Le fonctionnement de notre cerveau est encore un grand mystère pour les sciences comme pour nous-même. Spontanément nous distinguons nos expériences psychiques, psychologiques, affectives et émotionnelles du fonctionnement notre corps et donc de notre cerveaux. Nous nous coupons ainsi, en quelque sorte, en morceau : notre tête, notre corps, notre cœur… Néanmoins progressivement les neurosciences avancent et nous apportent de nouvelles informations qui nous aident à comprendre que notre vie psychique n’est pas coupée de notre vie biologique.
Une étude menée par le Professeur Francis Eustache, neuropsychologue au CHU de Caen, démontre – grâce notamment à l’imagerie cérébrale – que lorsque le corps humain n’est pas en action et que l’intellect n’est pas sollicité, c’est-à-dire lorsque nous ne faisons rien et que nous nous laissons aller à la rêverie ou à l’absence de pensée, le cerveau se met à fonctionner d’une manière toute à fait spécifique.
Il semblerait que ce fonctionnement neurologique bien particulier permette de faire le tri des informations que le cerveau contient pour ne conserver que celles qui lui sont nécessaires. Cette activité de tri apparaît comme absolument indispensable pour le cerveau. En effet elle permet de sélectionner et d’intégrer les informations reçues, les situations vécues, les émotions ressenties pour comprendre, mémoriser et mieux composer avec les situations passées, présentes et futures.
L’oisiveté, la rêverie n’est donc pas « un vilain défaut », c’est une manière d’appréhender notre monde. Cet état, la neuropsychologie le nomme « le mode par défaut », un mode de fonctionnement psychique qui se met en place lorsque nous n’avons rien à faire ou décidons de ne rien faire et qui nous emmène dans des voyages intérieures, des rêveries, des pensées qui vont et qui viennent sans but apparent et pourtant qui ont une réelle utilité : celle de permettre à notre cerveau de se mettre à effectuer un travail essentiel de réorganisation intérieure. Selon la neuropsychologie, il permet de construire notre « auto-biographie personnelle », c’est-à-dire notre histoire, notre identité, notre être donc.
Ce qui nous intéresse ici, c’est que c’est cet état de rêverie que l’on provoque lorsque l’on entre en hypnose. C’est donc très probablement ce « mode de fonctionnement par défaut » qui est en soi un mode d’élaboration et d’intégration de notre histoire, et donc qui est en soi thérapeutique, qui est sollicité en transe hypnotique. On pourrait dès lors inférer, au vu des résultats parfois étonnamment puissant de l’hypnose thérapeutique, que ce mode de fonctionnement par défaut voit justement sa force thérapeutique naturelle renforcée par le processus hypnotique associé à des suggestions adaptées à la problématique du sujet.
Les suggestions thérapeutiques proposées par le praticien – et par conséquent les suggestions que l’on se propose en autohypnose – vont aider le sujet à organiser, réorganiser, transformer, modifier, inscrire ou désinscrire les éléments engrammés dans sa mémoire. L’hypnose sollicite cette ressource naturelle de traitement de l’information que nous possédons tous, en la soutenant par un processus associatif lié à des images, des sensations, de métaphores, afin de permettre au sujet d’accomplir le cheminement psychique dont il a besoin.
Par ailleurs, nous pourrions aussi nous demander dans quelle mesure ce n’est pas un mode de fonctionnement neurologique similaire qui serait mobilisé lorsque nous méditons. Des études récentes ont prouvés les effets positifs – non seulement sur notre fonctionnement cérébral mais aussi sur notre équilibre psychique et affectif – de ces temps où l’on invite notre esprit et notre corps à ne rien faire de particulier et où l’on apprend à rester dans la présence de l’instant présent. La méditation serait alors aussi un moment privilégié d’intégration des expériences vécues en vue d’une construction ou d’une évolution personnelle.
L’hypnose et la méditation se révèlent être des techniques aux effets préventifs ou thérapeutiques sur le stress, la souffrance psychique et affective, l’anxiété, les addictions – liste non-exhaustive – et peut-être avons-nous grâce aux neurosciences un début d’explication scientifique à ces effets positifs constatés.
Toutefois à la lecture des travaux du Pr Francis Eustache, nous pourrions déjà simplement nous dire qu’il est grand temps de faire un peu plus de place au non-agir dans nos journées surchargées de sollicitations pour notre pauvre cerveaux, entre travaille, famille, écran de téléphone portable, de tablette ou de télévision, si nous voulons nous sentir mieux et plus détendus.
Nous verrons aussi dans un prochain article pourquoi il faut donc aussi permettre à nos enfants de ne rien faire aussi…
Sources :
Le réseau cérébral par défaut, https://hal.archives-ouvertes.fr/inserm-00587001/document
Long-term meditators self-induce high-amplitude gamma synchrony during mental practice, by Antoine Lutz, Matthieu Ricard, et al, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 2004, 101(46).
Au cœur de la tourmente, La Pleine Conscience, John Kabat Zinn, ed J’ai lu.